A première vue, je dirais que... [ Libre ]

> A première vue, je dirais que... je suis perdu.

Je regardais la scène qui se déroulait devant mes yeux avec horreur. Cette odeur qui envahissait mes naseaux, ces cris de détresses qui raisonnaient dans mes oreilles et tous ces cadavres qui jonchaient le sol... Ils n'avaient pas été généreux avec nous, l'un d'entre eux, qui était resté en arrière durant la bataille, finissait son repas tandis que les autres commençaient déjà à partir avec leurs pesants butins. Et ce repas qu'il avait peine à macher n'était autre que la dépouille de ma mère. Mon coeur se mit à battre à la chamade en reconnaissant le corps inerte de celle qui m'avait mis au monde et je crus mourir.

Je me réveilla en sursaut, haletant. Je me mis à hoqueter de peur et de tristesse. Encore ce foutu rêve qui venait me hanter, je ne m'y habituerais sans doute jamais. Je souffla longuement pour tenter de me calmer et me mis à analyser le paysage. Tient! Je n'avais aucun souvenir de mettre endormi ici. J'étais effectivement allongé dans une herbe sêche, mais je n'étais pas dans mes plaines... Celle que j'avais arpenté durant plusieurs mois en solitaire. Je me releva difficilement et huma l'air pour tenter de détecter les odeurs habituelles, mais ce lieu m'était bel et bien inconnu. Seule celle d'un cheval vint me chatouiller les narines, et le dernier en date que j'avais croisé datait... de la mort de mes parents.

Ewige trottinait joyeusement, certaine d'être enfin seule. Elle n'aimait pas la compagnie et essayait de l'éviter le plus possible. Aujourd'hui, par chance, elle n'avait pas encore croisé d'équidé. Les papillons, comme d'habitude, volaient joyeusement autour d'elle, la suivant, tourbillonant dans les airs. Le soleil était affreusement chaud, et l'herbe verte et grassouillette disparaissait déjà. Ewige savait que la canicule arrivait à grand pas - ou à grande chaleur, qui sait... Les nuages avaient déserté ce ciel mi-doré mi-bleu, pareil à ceux que l'on voit dans des films ou que l'on lit dans des livres. L'après-midi approchait elle aussi. Ainsi, la chaleur stoppait peu à peu, au fur et à mesure que le soleil brûlant quittait son zénith, voulant achever sa course derrière les plaines qui s'étendaient jusqu'à perte de vue.
Soudain, pilant sur place, laissant une trainée boueuse derrière ses sabots, elle huma une odeur. L'odeur d'un cheval. Scrutant les alentours, elle vit en effet une silhouette. C'était un cheval de taille tout à fait normale. Du moins, d'après ce qu'elle voyait, car le cheval était couché... Il avait des tâches brunes sur tout son corps. Un cheval pie. Exaspérée, Ewige lâcha un soupir résigné. Il n'y avait vraiment pas moyen d'être tranquille... Pourtant, la tranquillité et la solitude, c'était tout ce qu'elle demandait, bon sang ! Elle acceptait de bon coeur et de bonne grâce la présence des papillons. Mais les équidés et tout autre animaux ou insectes l'agaçaient au plus haut point.
Elle n'avait pas de sentiments, pas d'envies, laissant le fougueux destin s'occuper librement d'elle. On pouvait également la comparer à une montgolfière emportée par des vents puissants qui la traînaient contre des falaises, des plaines... Pour finalement s'écraser sur le sol. Et donc, en quelque sorte, "mourir". C'était bel et bien l'exemple qui qualifiait le mieux Ewige : elle prenait la vie comme elle venait, se laissant traîner sans rechigner ou réfléchir rien qu'un minimum... Et elle savait également qu'elle mourrait seule, sans personne pour la voir, pour la soutenir ou pour l'aimer, comme une montgolfière qui s'écrase au milieu d'une vallée inhabitée, entre quatre falaises. Mais de ça, elle s'en fichait pas mal, voir même complètement !

"Alors, alors... Cet équidé m'a sûrement sentie, ou vue. Donc, je ne peux pas reculer. Bon, il n'y a plus qu'une chose à faire pour l'éviter..."
Ewige se coucha et essaya de s'endormir. Ou, au moins, elle fit mine de s'endormir.

Soudain, je me fichai complètement de l'endroit où je pouvais bien me trouver, de toute façon, je n'avais jamais eu ma place nul part et je ne connaissais personne. Un cheval ! Je ne savais pas vraiment à quoi ça pouvait ressembler. Mes cauchemars étaient souvent flous et l'image que j'avais de mon espèce était celle que j'observais quand je me contemplais dans les flaques d'eau que j'avais l'occasion de voir après une longue journée de pluie.

Je scrutai fixement l'horizon et analysais chaque choses qui pouvait m'être inconnue dans cette plaine désertique. Il faisait très chaud et ma vue se brouillait un peu, me laissant parfois distinguer quelques mirages. Cela ne m'arrangeait pas du tout, les formes noires et blanches que je pouvais regarder me donnaient déjà le tournis. Je fis quelques pas et tentai de retrouver la trace de l'équidé par le pouvoir de mon odorat que j'avais réussi à développer plus facilement que ma vue. Après avoir parcouru une vingtaine de mètres, je m'arrêtai brusquement. Une forme sombre se trouvait à quelques foulés de moi. Je ne savais pas du tout si cet animal était un prédateur, ou tout simplement l'inconnu que je cherchais, mais mon instinct me força à ne plus bouger. J'avais une soudaine envie de détaler, mais ma curiosité l'emporta sur la nervosité. Je restai donc pétrifié, attendant un signe qui pourrait me dire ou non s'il y avait un danger.

Ewige entendit des bruits de pas. La terre sèche et dure craquait sous des sabots inconnus pour Ewige. L'odeur de ce cheval était de plus en plus présente... La jument esquissa un sourire et se leva lentement et gracieusement, veillant à ne pas faire de faux-mouvement. Puis, elle détailla le cheval de ses beaux yeux d'argent... Comme elle l'avait constaté plus tôt, le cheval était pie, et était légèrement plus petit qu'elle. Ses yeux bruns exprimaient la terreur. Ainsi, il pensait qu'Ewige était une prédatrice sanguinaire et mangeuse de chevaux ? Elle fit un pas en arrière. Elle ne voulait pas passer pour une cannibale... Car, qui savait ce que l'équidé en face d'elle pensait ? Mais elle ne parlerait pas. Quoi que... Ce cheval ne semblait pas plus disposé qu'elle à faire la causette. Donc... Que devait-elle faire ? Rebrousser chemin ? Rester ici et avancer ? Ne rien faire ? Jugeant les pours et les contres, Ewige décida d'opter pour le troisième option - ne rien faire. Elle se contenta finalement de regarder le ciel. Les papillons étaient partis autour d'elle... Ewige huma l'air et fit la moue.

"Cet équidé a l'air vraiment solitaire. On dirait qu'il n'a jamais vu de cheval de sa vie..."
Et si c'était le cas ? Ewige chassa cette idée de sa tête comme elle chasserait une vulgaire mouche agaçante grâce à sa queue. Elle essaya de lire dans le regard de "l'autre". Mais ce regard était vide... Ewige ne put lire que de l'incertitude, et elle en conclut que c'était certainement à cause d'elle. Finalement, étant ennuyée, elle fit trois pas hésitants en avant, esquissa un très faible sourire à peine perceptible - que le cheval n'avait sûrement d'ailleurs pas remarqué, car il semblait ailleurs, sur une autre planète lointaine - et, d'une voix claire et douce coulant comme de l'eau de roche, la jument noire déclara :

- Bonjour, équidé.
Ce n'était pas merveilleux... Mais Ewige n'arrivait jamais à engager la conversation. Et, de toute façon, elle n'en avait jamais envie. Excepté cette fois, car "l'autre" lui faisait un peu pitié. Elle n'avait encore jamais vu de cheval aussi perdu que lui... Mais elle n'était pas appeurée, au contraire. Pour une fois qu'elle parlait... Les mots étaient pour elle inutiles.

"Pourquoi devrais-je avoir pitié d'un inconnu ? Pff ! Pauvre Ewige, tu perds la tête, ma vieille..."

Lorsque l'animal se mouva devant mes yeux, je me crispai quelques instants, mes muscles tendus étaient prêts à partir au moindre mouvement de l'inconnu. Mais je fus soudain soulagé d'observer que celui-ci était l'équidé que je cherchais depuis quelques minutes. Quand il fut entièrement debout, je me mis à l'observer avec une grande attention et si mes yeux n'avaient pas été aussi inexpressifs, ils auraient certainement évoqué de l'admiration face à ma découverte. Il était plus grand que moi et je sentais le poids imposant du cheval qui se trouvait seulement à une dizaine de pas devant moi. Son corps était fin et musclés et tout en lui exprimait une élégance et une agilité envoutantes. Sa robe d'ébène brillait sous le soleil de plomb que nous avions en ce jour et tous les traits de son visage ne put que me renseigner sur le sexe de celui-ci. J'imaginai sans grande hésitation qu'il, ou enfin elle, était une jument. Je ne pouvais que rester immobile devant une telle beauté et l'émotion se mit à m'envahir. A cet instant, j'avais l'impression de renaitre, comme si je revoyais ma mère juste en face de moi.

Puis la jument se mit à s'approcher de moi, je me concentrai sur ces membres en mouvement et en fut hypnotisé. Je n'avais jamais vu une telle grâce en seulement quelques foulés, et mes larmes ne purent que perler le long de mes joues. J'avais tout appris seul, tout... Et j'avais espéré ce moment depuis si longtemps ! Je sortis de mes pensée quand celle-ci s'arrêta et je la fixai dans le blanc des yeux. Elle avait l'air un peu étonné de me voir, enfin c'est ce que j'avais l'impression de lire dans ceux-ci.

-Bonjour, équidé.

Mon coeur se mit à battre à la chamade, j'avais l'impression qu'il allait rompre dans ma poitrine. Ma respiration se fit haletante et je ne pus m'empêcher de regarder le sol. Ses paroles avaient été dites d'une manière si douces, si claires, ... elles avaient raisonnées dans ma tête comme si j'avais été en proie à quelque chose de surnaturel. Je désirais plus que tout à cet instant qu'elle continua à sortir des mots. Ce qu'elle me disait était un vrai charabia, mais un tel plaisir pour mes oreilles qui n'avaient eu l'occasion d'entendre que le chant des oiseaux, le bruit de mes sabots et l'eau qui coule dans les ruisseaux ou qui tombe des nuages. Je levai ensuite ma tête et esquissa un léger sourire sur mes lèvres. Je me sentais plus que bien en cet instant.

[ Désolé, je me suis relue et il y a des fautes, mais dès que j'essaye de les corriger, les lettres suivantes sont supprimées et il faudrait que je retape tout mon texte. --" ]

(Appuie sur la touche "INS" ou "INSER" de ton clavier, qui se trouve normalement vers le haut à droite ^^ Quand je savais pas ça, j'enrageais xD)

L'équidé tremblait de tout son corps frêle - et qui, pourtant, semblait musclé. Des larmes perlaient sur ses joues et dans ses yeux. Ces derniers brillaient comme des diamants, et Ewige fut impressionnée par tant d'émotion... Tout se justifiait : il n'avait jamais vu de chevaux ou de juments depuis un sacré temps déjà. Dès qu'Ewige avait parlé, ses oreilles s'étaient dressées, semblants "boire" les paroles de la jument noire. Elle sourit de bon coeur. Le cheval était déboussolé, cela se voyait... Et il semblait heureux qu'Ewige soit là, devant lui. La jument semblait heureuse elle aussi. Cela faisait longtemps que tant d'émotion ne s'était plus reflété sur le visage d'un équidé... Excepté la peur ou le mépris.

"Si je peux lui apporter du bonheur juste en étant là..."
Elle fit un nouveau pas en avant, plus grand que les précédents, toute en grâce et en souplesse, et se retrouva face à l'équidé. Il était un peu maigre - ou peut-être était-ce dû à sa race - mais il était musclé. Finalement, il n'était pas si petit que cela, faisant quelques centimètres de moins que la jument. Ewige, elle, était également fine, mais musclée... D'ailleurs, souvent, les autres équidés la confondaient avec un étalon. Seule la forme de sa tête, ses crins et ses yeux démontraient à peu près ce qu'elle était. Sa finesse également, mes les étalons avaient tous du mal à la perçevoir, allez savoir pourquoi... Et puis, il y avait son odeur. Une odeur de fleurs, Ewige ayant l'habitude de dormir dans celles-ci. Ouvrant la bouche pour parler, Ewige s'arrêta net.

"Et s'il pleure encore ? Je verrai bien, après tout..."
Sa voix cristalline fusa de nouveau, tandis qu'Ewige penchait légèrement la tête pour appuyer sa question banale et courante, certes, mais une question quand même. Et importante.

- Quel est ton nom, équidé ?
Ewige citerait son nom plus tard. D'abord, elle posait les questions. Ensuite, elle y répondait... Cela se passait toujours comme ça avec elle. Enfin, si les autres n'avaient pas peur de la questionner... Ils la trouvaient tous effrayante et imposante. Du moins, quand elle daignait parler un petit peu ! Car, comme vous l'aurez compris, c'était une chose très rare. Ainsi, Ewige planta ses yeux argentés dans les yeux noisettes du mystérieux équidé. Et elle attendit.

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